La vallée seule, André Bucher, Le Mot et le Reste, 16€
"...c'est fou, tout de même, le
nombre de personnes seules qui vivent dans cette vallée. Tu as une
explication?
- Il n'y a pas qu'elles, le monde
entier est en train de devenir seul."
Coup de cœur de la rentrée littéraire de Romain
Pas besoin d'être un auteur américain
pour écrire du nature writing, André Bucher nous le prouve ici
dans ce magnifique récit écrit dans la plus pur lignée des
écrivains de grands espaces.
La vallée seule c'est l'histoire d'un
territoire quelque part entre le Ciel et la terre, et de son
intimité, de ses habitants, de sa faune et des saisons qui passent
et repassent. Qu'importe sa localisation, auvergne, ardèche,
vosges, pyrénées et pourquoi pas les monts d'Arrée, cette vallée
est coupée du monde. Elle est seule tout comme ses habitants qui
s'entraident ou se disputent.
A vous de choisir le personnage
principal, Gisèle l'institutrice atteinte d'un cancer, Raoul le
patron du bistrot qui revêt la soutane lorsqu'il le faut, Alain
l'ex acrobate reconverti en guide de chasse, à moins que ce ne soit
le Cerf !
http://www.franceculture.fr/emission-du-jour-au-lendemain-andre-bucher-2013-11-26
page 24:
"Il manquait à ce pays un manuel
d'instruction civique. En tout cas, quelque document un peu plus
explicite qu'une table d'orientation. L'hiver, parfois, la neige et
le froid s'ingéniaient à ralentir les mouvements. Même la
mécanique laborieuse du temps s'enrayait, les horloges prenaient du
retard sur les montres. Plus aucun portable, ordinateur, relais de
communication ne fonctionnait. La seule radio continuant d'émettre
était la tronçonneuse. Dès qu'on l'entendait rugir, on repérait
l'endroit à la hâte, vérifiant de fait qu'untel était encore
valide. Puis on percevait le bruit d'un autre engin, cette fois dans
le sens inverse. Et ainsi de suite. Une façon imparable de se
compter de temps à autre, car d'habitude, dans ce pays, l'on ne
départageait point les vivants des morts. Il n'y avait qu'aux
enterrements où l'on tenait de réfléchir en éloignant ceux qui
s'en vont de ceux qui restent."
page 36:
"Une eau de fonte, forte et dure,
entrechoquait les pierres. Elle cascadait du haut d'un amas de rocher
pour s'abîmer, engloutie dans une faille verticale, sur une
vingtaine de mètres avant de ressurgir, bouillonnante de fureur et
d'achever sa trajectoire dans le déversoir d'un captage. Le soleil
baignait encore le flanc arrondi de la montagne. Une pâle lumière
se hasardait, elle s'égouttait doucement sur les sommets enneigés."
Page 157:
"Novembre. L'automne est grippé. Les
nuages, les ailes déployées, planent en survolant les crêtes. Ils
se succèdent en silence et transportent de la neige en abondance
dont ils se délesteront pendant la nuit. En attendant, à l'étage
en dessous, les ombres se reposent et respirent, alanguies. A peine
remuent-elles, de temps à autre, dans l'obscurité quand la lune
joueuse les agace.
A présent, elles se déplacent vers la
rivière luisante et s'étendent le long de son méandre lumineux, ne
laissant transparaître qu'un mince fil d'argent. L'hiver tend ses
pièges à l'avance, aussi le gel et la neige sortent leurs
mâchoires. Si la première morsure se répand, l'hiver ne désemplit
point. Si elle se résorbe rapidement, le temps reste incertain."
Plus d'infos:
http://lemotetlereste.com/mr/ecrits/lavalleeseule/
http://andrebucher.tumblr.com