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mardi 14 octobre 2014

Alaska


Alaska, Melinda Moustakis, Gallmeister, 22€50, traduit par Laura Derajinski

 
Melinda Moustakis est originaire de l'Alaska, elle a retranscrit dans son écriture toute la beauté, mais aussi la cruauté, la dureté de ce pays.
Bear down, Bear north (titre original) raconte l'Alaska comme vous ne l'avez jamais lu, celle des pêcheurs, des saumons et surtout des femmes autour desquelles tout tourne, portant leur famille à bout de bras, soutenant leur compagnon alcoolique ou fou. On retrouve dans ses nouvelles plusieurs familles aux destins et relations difficiles dans lesquelles on soupçonne une partie autobiographique.

Des phrases acérées comme un couteau, une prose mordante comme un hameçon. Pas de mots superflus, chaque adjectif, adverbe est pesé, l'auteure va à l'essentiel ! Elle s'affranchit des mots inutiles, rien que le strict minimum, juste ce qu'il faut, un style épuré comme l'Alaska.

Vous reprendrez bien un peu de ragoût sismique !

 En lisant ce livre on ne peut pas ne pas penser à David Vann...Encore une belle découverte des éditions Gallmeister, on a hâte de lire ses prochains textes !!!

 
« Les touristes scrutent ton frère – on voit bien que ce sont des touristes, comme le dit Jack, car ils sont « nuls pour ramer », ils portent des veste bleues assorties et ils ont déjà heurté votre embarcation. Une barbe poivre et sel à trente et un an, des biceps gros comme votre crâne, et le voilà qui agite sa chemise à carreaux en ordonnant aux nuages de circuler – Jack est ce qu'on appelle un gars du cru, en Alaska. Les touristes viennent pour voir des élans, des aigles, pour pêcher des saumons king qu'ils n'ont vus qu'en rêve. Ton frère est un bonus. »



 « L'enfance, une partie de cache – cache. Ils ne lui demandent jamais de quoi elle se cachait. La vérité, c'est qu'il y a des grizzlys, il y a des poings, des bouteilles et des ceintures. Il y a des choix : faire le mort ou se cacher »

 
« Quand une personne loue notre bateau pour une excursion, on lui dit « pas de bananes ». Abstenez-vous d'en manger au moins un jour avant votre sortie de pêche. Pas même de cake à la banane. Ne les touchez pas, ne les sentez pas. Mutts a faits de grands autocollants BANANES INTERDITES pour le Halibut hellion et le R U UP ? Ils sont sur le modèle des interdictions de fumer, mais on y voit un régime de bananes dans un cercle rouge. Les bananes portent malchance – elles font fuir les poissons. »



 

dimanche 12 octobre 2014

Dernier jour sur terre

 
Dernier jour sur terre, David Vann, Gallmeister, 10€50, traduit par Laura Derajinski




Avec un style narratif et journalistique qu'on ne lui connaissait pas, David Vann enquête sur la vie de Steve Kazmierczak, paria solitaire qui tua cinq personnes à Cole Hale et en blessa une vingtaine.

Il revient sur l'itinéraire de ce jeune homme étudiant modèle décoré de la Dean's Award qu'il compare à sa propre adolescence bien mouvementée. Il livre une introspection personnelle et parallèlement, un véritable travail d'enquête très complet. David Vann pose des questions cinglantes sur l'obsession de la société américaine pour les armes à feux.


Extraits : p114 « Les commentaires inquiétants, l'obsession des armes et des tueurs, le temps passé au stand de tir, les problèmes psychiatriques. Que doit faire un tueur de masse pour se faire remarquer ? »

p110 «  Acheter un Glock 19, quelques chargeurs supplémentaires, entrer dans une salle de classe et tirer sur les gens. Nous n'avons encore rien mis en place pour empêcher quelqu'un de commettre un tel acte. C'est un droit américain. »

p74 « Le 13 février 2002, ils le larguent dans sa ville d'origine, Elk Grove Village. Aucun avertissement à quiconque, personne ne signale qu'un jour il puisse risquer d'être un danger pour lui-même ou pour autrui, ils se contentent de le larguer là, comme le fait toujours l'armée. »

p66 «  A onze ans, pourtant, je ne pouvais penser qu'à l'homme que je deviendrais, moi. Abattre mon premier cerf faisait partie d'un rite initiatique. La loi californienne stipulait que je n'avais pas le droit de tuer un cerf avant mes douze ans, mais cette loi familiale qui m'avait donné un fusil à air comprimé à sept ans, un fusil calibre .20 à huit ans et une carabine .30-.30 à neuf ans, disait que j'étais désormais prêt »